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Cette semaine, cap sur les Cantons de l’Est, à la rencontre du Bourgmestre de Lontzen, Patrick Thevissen.

En 2018, le libéral y a chamboulé le paysage politique en renversant la majorité absolue sociale-chrétienne, à la tête de Lontzen depuis plus d’un quart de siècle.

Aujourd’hui, c’est une majorité libérale et écolo qui gère la commune de langue allemande et à facilités linguistiques.

 

Patrick, quelles étaient tes motivations lors de ta première élection en 2012 ?

A dire vrai, je n’avais pas vraiment songé à « entrer en politique » avant qu’un membre du parti ne m’approche pour m’en faire la proposition. J’ai trouvé l’idée séduisante et le challenge ambitieux… et j’ai pensé qu’avec ma formation de juriste, je pouvais « apporter quelque chose ». Alors avec les membres de notre groupe local, on s’est lancés. C’est la dynamique du groupe qui m’a motivé à m’investir plus avant. La commune, c’est hyper concret dans plein de domaines mais j’y retrouve aussi bon nombre de sujets juridiques. Alors, oui, ça me plait.

En 2018, tu deviens Bourgmestre, mettant fin à plus de 25 ans de majorité sociale-chrétienne en formant une coalition avec Ecolo. Fameux changement et gros défi en perspective ! Aujourd’hui, comment se passe ton mandat ?

Succéder à des personnes en place depuis longtemps emporte son lot de difficultés. Il y a des ressentiments et déceptions… et pourtant tout le monde se retrouve à devoir travailler ensemble au Conseil communal. Il faut alors gérer l’émotionnel et, parfois, l’irrationnel. C’est un aspect de la fonction de Bourgmestre que j’ai sous-estimé au début de mon mandat.

Au-delà de cela, j’ai l’impression de vivre un mandat un peu « bizarre » dès lors que gérer la crise du Coronavirus avait quelque chose d’inédit. Dans une commune proche de l’Allemagne et des Pays-Bas, il a fallu délivrer aux étudiants, aux enfants de parents séparés, aux travailleurs ou aux amoureux transfrontaliers, des « laissez-passer » pour quitter/réintégrer le pays… On ne connaissait cela que des récits de guerre… Et puis, rencontrer les citoyens, c’est essentiel… mais quand tout est interdit c’est compliqué. Alors, on manque un peu d’input et de retour. Maintenant que les choses reviennent à la normale, on se rend compte de combien c’est important d’avoir ce feed-back.

Lontzen est l’une des 9 communes de langue allemande de Belgique et, dès lors, commune à facilités linguistiques pour les francophones. Que représente ce statut dans le quotidien des lontzenoises et lontzenois et dans les missions des autorités communales ?

Nous sommes en Communauté germanophone, tout en étant également une commune wallonne. Nous avons environ 8 km de « frontière » avec Welkenraedt et Plombières, en Communauté Française. Ce sont nos principaux axes commerçants et les habitants de la commune vont autant chez le boulanger situé « de notre côté » de la rue que chez le fleuriste d’en face. Idem pour les écoles, l’académie de musique, le sport, les sorties ou le resto. En gros, on franchit cette « frontière linguistique » tout le temps… et sans s’en rendre compte. Et c’est vrai dans les deux sens.

Juridiquement, nous sommes effectivement une Commune germanophone à facilités linguistiques pour les francophones. Cela implique que le citoyen qui s’adresse à l’administration a le choix de la langue. S’il choisit le français, il obtient automatiquement (et obligatoirement) la réponse de la Commune en français. Cela est une évidence à Lontzen où, depuis toujours, on jongle avec les langues. Le personnel communal est généralement bilingue. Certains parlent même le patois, mais là, on ne répond qu’à l’oral. L’info-Communale, les publications sur les réseaux sociaux, le site internet, tout est rigoureusement bilingue. Là où c’est plus compliqué, c’est en matière d’urbanisme : si le dossier est introduit en français à la Commune, il sera géré en français.

Mais dans ces procédures, il faut souvent recueillir des avis extérieurs d’autres autorités, notamment germanophones. Là, la Commune a légalement l’obligation de s’exprimer en allemand… et du coup, il faut traduire… et c’est la Commune qui s’y colle. C’est un travail assez colossal.

Dans ce cadre un peu particulier, tu avais souhaité en début de mandature développer le bilinguisme dans les écoles de Lontzen. Et, plus particulièrement, en inscrivant l’école maternelle d’Herbesthal dans un projet pilote où les enfants seraient en contact permanent avec les deux langues. Où en êtes-vous aujourd’hui au sein des différentes écoles de la commune ? Les parents ont-ils favorablement réagi à ce mouvement ?

Anciennement, nous avions une section francophone et une section germanophone à l’école de Herbesthal. Chaque section était unilingue. Nous avions donc déjà les enseignants native speakers dans notre école. Nous avons remodelé chaque section pour les rendre bilingues. Puisque les règlementations de la Communauté ne permettent pas de faire du 50/50, nous avons instauré un système de « dominante » : en inscrivant leur enfant, les parents choisissent la section « à dominante » française ou allemande mais leur enfant aura toujours une partie des cours dans l’autre langue. Cela a été fort bien accueilli et le projet se poursuit désormais en primaire.

Tu es membre du PFF, Partei für Freiheit und Fortschritt, Parti pour la liberté et le progrès, composante du Mouvement Réformateur comme l’est également le MCC. Qu’est qui pourrait définir plus particulièrement le PFF et pourquoi ? Des particularités par rapport au MR ?

Le PFF, c’est en réalité la traduction du PLP, qui était l’ancêtre du PRL et du MR actuel. En gros, nous n’avons pas suivi dans la traduction des appellations successives du parti libéral. La Belgique est ainsi faite qu’il y a des francophones au MR, des néerlandophones au VLD… et des germanophones au PFF. La particularité est avant tout linguistique dès lors que, sur le fond, des liens très étroits et privilégiés existent avec le MR. Personnellement, je suis francophone parlant assez bien l’allemand. Du coup, je trouve ma place dans le PFF-MR.