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Dans une série d’été de La Libre consacrée aux livres qui ont marqué des personnalités politiques, Georges-Bouchez évoque l’influence de « Au nom de tous les miens », de Martin Gray, sur son parcours politique.

Dans “Au nom de tous les miens », Martin Gray raconte son destin tragique de juif polonais qui parvient à s’échapper du camp de Treblinka et participera au soulèvement du ghetto de Varsovie. Martin Gray a perdu toute sa famille dans la Shoah et vivra ensuite une nouvelle tragédie en 1970, quand sa femme et ses quatre enfants décèdent dans un incendie de forêt.

« La Shoah est un élément important dans mon processus d’engagement politique », explique le président du MR à La Libre. « En primaire, j’avais rencontré un survivant des camps, M. Lachmann, et cela m’a marqué pour toujours. La lecture du livre est en lien avec cette rencontre. Je l’ai lu très jeune, à 13 ou 14 ans, dans le cadre scolaire. Ma professeure de français nous avait donné une liste de livres pour l’année. Après en avoir commencé la lecture, je n’ai pas pu m’arrêter. Je l’ai lu d’une seule traite. Plusieurs fois, je m’y suis replongé par la suite. Je l’ai relu, ce que je ne fais jamais, et j’y pense trop souvent. Je l’avais présenté lors d’un exposé devant ma classe et je m’en étais bien sorti. J’avais eu 18/20, je m’en souviens ».

Georges-Louis Bouchez a tiré de nombreuses leçons de ce livre essentiel. « La vie de Martin Gray met en évidence le combat pour des valeurs. Je suis impressionné par l’instinct de survie de l’être humain, cette capacité à faire face aux choses les plus terribles. Il n’y a jamais aucune situation impossible à affronter. L’homme est capable du meilleur comme du pire, mais il y a moyen de changer le cours des choses ». Le président du MR souligne aussi que Martin Gray s’est reconstruit après chaque épreuve. « Je fais un parallèle entre son livre et une autre lecture découverte à la même époque : le poème If de Kipling. Ce texte très célèbre de l’auteur du Livre de la Jungle exalte l’idée que l’échec est salvateur. Certaines situations vont permettre de surpasser la fatalité. C’est d’ailleurs la promesse libérale : sortir le meilleur de l’humain et la croyance en l’homme. Au nom de tous les miens porte surtout un message d’espoir. Cela m’a influencé dans la conception de ma vie et dans mon parcours politique »

Dans cette interview, Georges-Louis Bouchez confie également sa passion pour cette période de l’histoire. Livres, films, documentaires, rien ne lui échappe. Il garde un souvenir très fort de ses visites à Auschwitz et à Yad Vashem. « J’ai eu l’immense honneur de pouvoir déposer une gerbe de fleurs dans le cadre d’une cérémonie. Cette visite a été l’un des moments les plus émouvants de ma vie. Cela ne se raconte pas. Quand on sort de Yad Vashem, on achève la visite par le Mémorial des enfants : un lieu très sombre où des photos défilent, des visages, des noms. Quand on en sort, on ressent des choses que l’on ne peut pas expliquer ». Le président du MR a aussi été fortement marqué, alors qu’il n’était qu’un enfant, par l’assassinat d’Yitzhak Rabin, homme de paix, par un jeune militant d’extrême droite.

Dans le cadre de son témoignage, Georges-Louis Bouchez appelle d’ailleurs à la prudence dans le choix des mots. « Aujourd’hui, à la moindre occasion, on est qualifié de fasciste et les années 1930 sont invoquées avec inconséquence. Certaines évolutions contemporaines sont inquiétantes, c’est vrai, mais ces comparaisons sont bancales quand on connaît l’histoire. La charge de certains mots est trop lourde pour les banaliser. Cette dérive est liée une connaissance trop partielle de l’histoire européenne ». Il met aussi en garde contre la relecture de l’histoire a posteriori. « Si j’avais, par exemple, été responsable politique en 1939, me serais-je levé et serai-je allé à l’encontre d’une certaine intelligentsia, de mon parti politique ? On regarde l’histoire en en connaissant la fin, c’est facile. Par exemple, en France, dans la bourgeoisie, les gens “sérieux” soutenaient Pétain, le héros de la Première Guerre mondiale. À l’inverse, de Gaulle n’était pas encore considéré à sa juste valeur. À Londres, il prétendait représenter la France… Juste après la défaite, cela pouvait laisser sceptique. Cette interrogation m’inspire aujourd’hui dans des choix qui ne sont pas toujours simples. Même si les situations sont naturellement incomparables. Je me demande si, avec le recul, dans quelques années, on ne sera pas jugé durement pour nos choix du moment. Par exemple, en matière d’immigration, de justice, de sécurité… L’histoire de cette période terrible me donne des perspectives pour comprendre le moment présent », conclut-il.

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