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Pierre-Yves JEHOLET
Ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles

 

Fête de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Discours du Ministre-Président Pierre-Yves Jeholet

Bruxelles le 27/9/2022

 

Monsieur le Président du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles,

Monsieur le Bourgmestre de la Ville de Bruxelles,

Mesdames, Messieurs les Ministres,

Chers collègues parlementaires et mandataires publics,

Permettez-moi d’entamer ma prise de parole en saluant pour leur présence, avec toute la collégialité sincère que je ressens à leur égard, les représentants du Gouvernement fédéral ainsi que nos collègues des Gouvernements régionaux. Sans omettre, mes voisins directs de Verviers, les membres de la Communauté germanophone.

Mesdames, Messieurs, chers amis,

Pouvoir s’exprimer à la présente tribune, afin de célébrer la fête de la Fédération Wallonie-Bruxelles est toujours un grand honneur ! Honneur auquel je souhaite associer chacune et chacun des membres de mon Gouvernement.

Mais si j’évoque ce jour de fête et cet honneur de pouvoir m’adresser à vous, je n’en suis pas moins conscient que les moments que nous traversons sont difficiles et qu’ils sont sources d’inquiétudes non seulement dans le chef d’une grande partie de la population, mais aussi dans celui des responsables économiques, sociaux et bien évidemment politiques.

L’inquiétude, qui est la mienne, est « politique » – pas au sens personnel ou partisan du terme, rassurez-vous – ou pas… – mais au sens premier que ce mot peut revêtir lorsqu’il est exclusivement préoccupé par le bien commun. Car c’est précisément cette notion de « bien commun », cette attention à la vie commune qui nous rassemble, cet attachement aux valeurs fondatrices du vivre-ensemble, ce refus de l’égoïsme et du repli … c’est tout cela qui semble aujourd’hui se déconstruire et reculer face aux épreuves qui s’additionnent.

L’épreuve sanitaire, l’épreuve des inondations, l’épreuve énergétique mais aussi – et avec une violence tellement inattendue – l’épreuve de la guerre à la porte de l’Union européenne.

Ces épreuves, ces crises auront, ces derniers mois bouleversé un grand nombre de nos certitudes, et il faut bien le reconnaître, elles occasionnent, parmi la population, la propagation d’une certaine forme de découragement et de peur devant un avenir que l’on ne voit plus nécessairement comme étant « notre passé en mieux ».

Alors que le 20ème siècle s’est terminé sur l’espoir d’un monde apaisé entre l’Est et l’Ouest depuis la chute du Mur, force est de constater, en ce premier quart du 21ème siècle, qu’une accumulation de tensions, de ruptures, de phénomènes à dimension mondiale, aussi divers que le terrorisme islamiste, la crise financière, l’épidémie de covid, les dérèglements climatiques, les poussées migratoires, la menace énergétique…, ont brouillé radicalement l’image d’un monde pacifié et prospère.

Si la Fédération Wallonie-Bruxelles ne dispose pas des premiers leviers d’actions pour répondre aux différentes épreuves que je viens d’évoquer, elle est, par contre, au premier plan lorsqu’il s’agit de veiller à l’épanouissement personnel, à la défense de nos valeurs, de nos libertés et droits fondamentaux, à la construction et à la préservation, au sens le plus large du terme, d’une société démocratique soutenue par un développement économique et social harmonieux et en capacité de répondre à l’enjeu environnemental.

Mais s’il est toujours utile et nécessaire de rappeler cette réalité, ce n’est, aujourd’hui, plus suffisant.

Car si l’inquiétude que j’évoquais n’est pas nécessairement celle qui paralyse et empêche d’agir, elle peut être celle qui met en éveil, celle qui requiert des décisions et qui conduit à l’action. Malheureusement, auprès d’une partie de la population, cette inquiétude peut impliquer la propagation d’un sentiment de découragement, entrainant une mécanique de défiance et de désengagement.

Ce processus fonctionne à l’image du serpent qui se mordrait la queue : il agit, ou plutôt il détruit dans les deux sens : plus la méfiance à l’égard du modèle démocratique grandit, plus la méfiance à l’égard des institutions se répand, plus le repli sur soi se renforce et conduit au découragement.

Il y a là une sorte d’engrenage souterrain dont une des conséquences est de transformer notre société en une proie facile, une proie idéale pour les idéologies populistes et extrémistes, de gauche comme de droite.

Nous le savons tous : la peur, la colère, le désespoir, la précarité réelle ou crainte, la défiance envers l’autorité, ces facteurs rassemblés constituent le parfait terreau à la germination des idées fausses, à la tentation des solutions soi-disant radicales… Autrement dit, à la fascination des démagogies !

*

Mais je ne suis pas venu ici, aujourd’hui, pour vous dire qu’il fallait avoir peur.

Je suis venu ici pour vous dire que nous étions tous dans le même bateau et que même si les tempêtent se succèdent – appelant pour chacune d’elles l’adoption d’un comportement dicté par l’urgence – il n’y a d’espoir qu’en faisant, ensemble, le choix d’un cap plus éloigné et à l’horizon plus dégagé.

J’écoutais il y a quelques jours, l’émission diffusée sur la Première, Déclic – Le tournant d’Arnaud Ruyssen.

La question posée était de savoir si les gouvernants étaient condamnés à une gestion de crise permanente…

Trois personnes étaient, notamment, invitées à répondre à la question.

Céline Nieuwenhuys, Secrétaire générale de la Fédération des Services sociaux, s’inquiétait d’une spirale dangereuse pour la démocratie, si la colère de ceux qui ne peuvent plus payer leur facture d’énergie venait rencontrer la fatigue post Covid. Elle pointait la nécessité d’initier des réflexions d’avenir tout en reconnaissant que l’urgence du présent rendait l’exercice difficile.

Marius Gilbert, Vice-recteur à la recherche et à la valorisation de l’Université libre de Bruxelles, nous invitait à lever le nez du guidon, à travailler chacun en synergie avec l’autre en vue d’adopter des solutions globales et à ne pas oublier les réflexions que l’on s’est faites durant la période de crise une fois que l’on en sort…

Philippe Van Parijs enfin, philosophe et économiste, concluait en rappelant que les précédentes transformations significatives de la société ayant conduit à de grands progrès sociétaux avaient parfois été précédées de moments conflictuels. Il appelait, dès lors, à sortir au plus vite du stade de la violence où les passions gouvernent pour rentrer dans le stade du raisonnable et du sens de la justice.

Trois visions, trois personnes venant d’horizons bien différents, mais une même invitation à prendre de la hauteur et de la responsabilité.

*

Mesdames, Messieurs,

Je suis, j’ai toujours été, et je resterai un homme résolument optimiste.

Mais un optimiste qui a les pieds sur Terre et le regard sur la réalité.

On peut et on doit être fiers de nos succès et de nos talents. En Fédération Wallonie-Bruxelles, ils sont très nombreux. Dans chacune de nos compétences, nous pouvons compter sur des ressources humaines extraordinaires : des chercheurs de renom, des artistes brillants, des sportifs qui excellent, des enseignants, des directeurs, du personnel de l’accueil de la petite enfance passionnés et motivés et j’en passe.

Mais ces succès et ces talents ne peuvent occulter ni les difficultés démocratiques et sociales, que j’évoquais il y a un instant, ni le caractère préoccupant face à une situation où l’Etat, quel que soit le niveau de pouvoir au travers duquel il agit, éprouve des difficultés grandissantes à répondre à l’ensemble des sollicitations qu’il reçoit, d’autant que les finances publiques commencent seulement à devoir absorber les conséquences des crises successives pour lesquelles des mesures d’exception, certes bien nécessaires, ont, toutefois, durablement affecté le poids de son endettement et affaibli ses capacités d’action.

Cette réalité s’impose aujourd’hui plus que jamais à nous. Si elle n’est pas inéluctable, elle nécessite, toutefois, que l’on ne se limite pas à la gestion permanente de la – ou des – crises.

Aujourd’hui, notre défi, notre devoir, consistent, à la fois, à gérer l’urgence tout en préparant demain ; exposer de la dépense publique nouvelle quand c’est absolument indispensable mais en menant, concomitamment, les actions nécessaires, notamment, au rééquilibrage au plus vite de nos comptes publics.

Tout cela requiert de la rationalité, de la responsabilité et beaucoup de  courage.

*

Mesdames, Messieurs,

Dans le contexte que je viens d’évoquer, l’heure n’est pas, l’heure n’est plus, aux caprices institutionnels.

Régionaliser…, communautariser…, fédéraliser…, scinder…, transférer…, tout ce vocabulaire a vieilli au rythme des années.

Les crises successives nous ont tous chamboulés. Un virus, bien malheureux et meurtrier, a remis, autour d’une même table, des responsables qui ne s’étaient plus parlé autant depuis la Belgique d’avant-guerre. Les inondations ont mis en lumière le manque de coordination et de moyens des services de secours. La guerre en Europe réinterroge quant à l’opportunité de notre industrie de l’armement. La crise énergétique remet au-devant de la scène des énergies que l’on pensait abandonnées. Et ceux, qui pensaient que leurs finances publiques allaient leur permettre de nouvelles conquêtes institutionnelles, rejoignent, peu à peu, le club de ceux qui regardent avec inquiétude la courbe croissante de leur endettement…

Alors soyons sérieux. Que l’on travaille rue de la Loi, place Surlet de Chokier, rue Ducale ou à Namur, que l’on fasse la fête le 3ème week-end de septembre, à une nouvelle date à inventer ou le 27 septembre, tout cela importe au fond assez peu si la volonté d’être efficace, ensemble, n’est pas notre charte cardinale.

Comme je vous le disais déjà l’année dernière, nous devons, aujourd’hui, impérativement changer de paradigme : s’il faut discuter certes de tout et sans tabou, ne commençons pas, ne commençons plus, par discuter des institutions avant de nous accorder sur ce pour quoi elles doivent être utilisées. Définissons le cap avant de faire le choix du moyen de transport. Demandons-nous ce que nous, francophones de Bruxelles et de Wallonie, voulons encore faire ensemble et comment le faire. Demandons-nous, surtout, ce qui est le plus rationnel, le plus performant, le plus efficace, le plus économique.

Car si nous pouvons être fiers de bien des politiques menées dans notre pays depuis des décennies, si nous pouvons être fiers d’un certain bien-être largement encore répandu, si nous pouvons être fiers de nos entreprises et de nos services publics, nous devons, aussi, reconnaître que notre Etat, de manière générale, est devenu parfois un colosse aux pieds d’argile, qu’il manque de réactivité, d’agilité et de modernité. Nous courons après une mise à jour de notre efficacité, mais nous courons à petits pas… sans jamais vraiment atteindre notre objectif.

Alors, dans la perspective des années à venir, nous allons devoir nous mobiliser pour courir plus vite. Nous allons devoir casser les conservatismes qui nous enserrent pour nous rappeler à nous-mêmes, d’abord, à nos voisins et amis européens, ensuite, que la Belgique et, pour ce qui nous concerne plus particulièrement, que la Wallonie et Bruxelles sont des régions riches de talents et sources de succès. Nous allons devoir démontrer notre capacité à nous réorganiser, à resserrer les rangs pour concentrer nos moyens sur ce qui nous portera vers une société apaisée, moins inquiète qu’elle ne l’est aujourd’hui, et beaucoup plus fière d’elle.

Je suis convaincu que nous pouvons y arriver.

Si la seule force de la volonté ne suffit pas à faire bouger les plus récalcitrants, gageons que la force de la nécessité y parviendra. Cette nécessité qui va nous contraindre, sans cesse davantage, à retrouver, notamment, la maîtrise de nos finances publiques. Et pour ceux à qui cette nécessité ne parle pas –  je sais qu’il y en a … – à tout le moins, la nécessité de rencontrer la situation que j’évoquais au début de mon intervention, celle de répondre à la méfiance, au désenchantement, à tout ce qui fait le lit des extrémismes et des populismes.

*

Mesdames, Messieurs,

Sans attendre demain, le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles est un gouvernement qui travaille et qui réforme. Il réforme même de manière historique !

Qu’il s’agisse du refinancement de l’enseignement supérieur, du nouveau parcours de l’étudiant, d’un accord historique avec l’Etat fédéral pour solder l’épineux dossier des numéros Inami pour nos futurs médecins et dentistes, qu’il s’agisse de la réforme tant attendue des rythmes scolaires et de la mise en œuvre du Pacte d’excellence, qu’il s’agisse d’un investissement, sans précédent, dans les bâtiments scolaires pour répondre aux défis énergétique et climatique, qu’il s’agisse encore du refinancement de la politique de la petite enfance et de la création de places d’accueils, le Gouvernement tient sa feuille de route malgré les aléas occasionnés par les crises traversées.

Il la tient parce que l’équipe, qui le compose, travaille au bien commun et tente d’éviter, autant que possible, les querelles partisanes. Il la tient aussi parce qu’il est particulièrement conscient que les compétences, qui sont exercées en Fédération Wallonie-Bruxelles, conditionnent tellement notre capacité d’agir demain.

Mais le Gouvernement est aussi conscient – comme tous les Gouvernements, je l’espère, le sont – que son budget n’est pas à l’équilibre et qu’investir bien au-delà de ses revenus ne peut durer qu’un temps.

Il est aussi bien conscient que certaines des réformes à mener dans les années à venir, pour être pleinement efficaces, dépendront de la capacité des francophones de Wallonie et de Bruxelles à s’accorder sur la meilleure organisation possible de leur espace commun.

Mesdames, Messieurs,

Quels que soient les choix qui seront posés demain en la matière, n’oublions pas que les seules préoccupations qui doivent nous animer sont l’efficacité de nos politiques publiques et la soutenabilité de nos dépenses.

Est-ce que tout diviser par deux arrangera tous nos soucis ? J’ai, aujourd’hui, probablement plus qu’hier, la conviction que non.

Est-ce que tout réorganiser pour remettre de l’ordre dans notre espace francophone permettra de mieux répondre à ce que l’on attend de nous ? J’ai la conviction que tel est notre unique salut.

*

Nous sommes tous attendus au tournant. Il nous reste moins de deux ans pour définir la feuille de route commune que nous francophones, Bruxellois et Wallons, choisirons.

Alors il est grand temps de travailler ensemble. C’est aujourd’hui – je vous le dis solennellement – ma plus profonde conviction.

*

Mesdames, Messieurs,

Avec Frédéric, Bénédicte, Valérie et Caroline, je vous souhaite à toutes et tous une excellente fête de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Je vous remercie pour votre attention !