Le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a approuvé, en première lecture, un avant-projet de décret visant à clarifier, renforcer et harmoniser l’application du principe de neutralité dans l’ensemble des établissements relevant de son champ de compétence.
Concrètement, ce texte :
- Unifie la définition de la neutralité dans le Code de l’enseignement, pour l’ensemble des réseaux concernés : l’enseignement officiel organisé, l’enseignement officiel subventionné par la Communauté française, ainsi que l’enseignement libre non confessionnel subventionné ayant choisi d’adhérer au principe de neutralité (y compris l’enseignement pour adultes et l’enseignement secondaire artistique à horaire réduit). Cette démarche vise à simplifier et clarifier le cadre existant.
- Établit la neutralité d’apparence pour les membres du personnel de ces établissements, en interdisant le port de signes convictionnels visibles. Cette mesure s’étend également aux CPMS, internats et centres de plein air dépendant de ces écoles.
- Réaffirme la neutralité dans la transmission des savoirs, et prévient la tendance à l’autocensure chez les enseignants : les enseignements doivent être dispensés avec objectivité, tout en garantissant la liberté d’expression des élèves.
- Installe un suivi régulier du respect du principe de neutralité : un rapport sera présenté tous les deux ans au Gouvernement, dont pourrait se saisir le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Un contenu unique pour la notion de neutralité
L’avant-projet de décret fusionne les dispositions du Code de l’enseignement fondamental et secondaire relatives à la neutralité, jusqu’ici séparées entre l’enseignement organisé et l’enseignement officiel subventionné. Cette harmonisation, justifiée par la similarité des textes existants, vise à simplifier le cadre juridique et à rendre les obligations liées à la neutralité plus claires et lisibles pour l’ensemble des acteurs de l’enseignement
Interdiction du port de signes convictionnels visibles
L’avant-projet de décret prévoit l’interdiction du port de signes convictionnels visibles pour tous les membres du personnel des établissements où s’applique le principe de neutralité (enseignement officiel organisé et subventionné, ainsi que libre non confessionnel y adhérant).
Sont ainsi concernés l’ensemble des personnels (enseignants, directions, éducatifs, administratifs, ouvriers, cuisiniers, paramédicaux, ainsi que les stagiaires) dans les écoles, CPMS, internats et centres de plein air relevant de ces réseaux. Une exception est prévue pour les professeurs de religion et de morale, exclusivement dans le cadre de leurs cours.
Les signes convictionnels visibles sont définis comme « tout vêtement ou accessoire exprimant une conviction ou une identité politique, idéologique, philosophique ou religieuse ».
Sur le plan pratique, l’interdiction est intégrée aux statuts et à l’organisation des écoles concernées.
Par ailleurs, le gouvernement veillera à la réalisation d’un cadastre de toutes les écoles de la FWB en ce qui concerne la règlementation relative au port de signes convictionnels visibles par les membres du personnel et les élèves, tous réseaux confondus, sachant qu’à l’heure actuelle, il n’existe pas de données à ce sujet.
Pour une transmission des savoirs sans autocensure
Le Gouvernement propose de faire évoluer le Code de l’enseignement afin de garantir la liberté pédagogique tout en préservant la neutralité du cadre scolaire.
Actuellement, le Code de l’enseignement prévoit (selon une formulation issue du décret du 31 mars 1994) que le personnel enseignant aborde certaines questions « en des termes qui ne peuvent froisser les opinions et les sentiments d’aucun des élèves ». Les enseignants ont pour mission de permettre à tous les élèves d’acquérir savoirs, compétences et savoir-faire conformément aux programmes d’études. L’obligation actuelle de ne jamais « froisser » les opinions des élèves peut conduire à une forme d’autocensure, empêchant la transmission de certains apprentissages essentiels.
A titre d’exemples, dans certaines matières — philosophie, histoire, langues, sciences ou arts — certains savoirs sont parfois contestés. Il peut s’agir, par exemple, de la théorie de l’évolution, de la présentation d’œuvres d’art représentant des nus, de schémas ou expériences scientifiques, de lectures littéraires classiques ou fantastiques, ou de sujets historiques et sociétaux sensibles comme la Shoah, l’égalité des sexes ou les droits des minorités LGBTQIA+.
La modification proposée vise donc à supprimer cette mention et à la remplacer par un principe de respect mutuel et de liberté d’expression des élèves. Cette évolution permettra de renforcer la mission première de l’école : transmettre les savoirs, encourager la pensée critique et former des citoyens éclairés, sans crainte ni autocensure.
Par ailleurs, les règles de neutralité et d’objectivité restent inchangées, puisque le Code de l’enseignement prévoit déjà les garanties nécessaires en mentionnant que « les faits sont exposés et commentés, que ce soit oralement ou par écrit, avec la plus grande objectivité possible » ; que le personnel de l’enseignement, devant les élèves, « s’abstient de toute attitude ou de tout propos partisans dans les problèmes idéologiques, moraux ou sociaux, qui sont d’actualité et divisent l’opinion publique ».
Soutien et accompagnement des enseignants
Les enseignants doivent être accompagnés et formés pour gérer les contestations liées aux apprentissages, tout en respectant la pluralité et la liberté d’expression des élèves.
Les mesures prévues incluent :
- Rappel du cadre légal et des principes de neutralité par les directions et documents de référence.
- Outils pédagogiques et accompagnement par des structures spécialisées (CiMéDé- Direction Citoyenneté, Mémoire et Démocratie, équipes mobiles d’accompagnement qui sont formées à la gestion des problématiques de polarisation, d’extrémisme et de radicalisme, projets d’établissement).
- Formations ciblées pour enseignants et chefs d’établissement, incluant sensibilisation à la radicalisation et interventions de la police.
Renforcement du contrôle et de l’inspection
- Le Service général de l’inspection assure le respect du principe de neutralité dans les écoles.
- Nous proposons de rétablir la rédaction d’un rapport biennal, mesure prévue initialement par le décret du 17 décembre 2003 mais supprimée lors de l’intégration au Code de l’enseignement, afin de garantir transparence et suivi régulier.
Valérie Glatigny, Ministre de l’Education et de l’Enseignement pour adultes : « Ce décret vise avant tout à garantir un cadre scolaire neutre et apaisé. Dans un contexte où les tensions identitaires peuvent parfois se refléter jusque dans les classes, il est essentiel de prévenir toute forme de polarisation. L’école doit rester un lieu d’apprentissage, de respect et de liberté pour tous. Avec ce texte, notre ambition est simple : permettre à chaque élève de se construire librement, sans pression ni influence, dans un environnement qui reflète les valeurs démocratiques, la liberté de conscience et l’égalité entre les femmes et les hommes. »