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Il y a parfois des coïncidences qui font date, et des rendez-vous qui tombent au bon moment. Cette 89e Foire de Libramont, baignée par une météo clémente et agréable, a accueilli près de 195.000 visiteurs en quatre jours.

Cet évènement populaire à travers la Belgique, célèbre la passion des agriculteurs, leur talent, favorise les contacts, fait découvrir l’agriculture au grand public, et s’impose aussi comme un rendez-vous politique incontournable.

Vendredi matin, c’est dans une atmosphère solennelle que la Foire a ouvert ses portes. L’inauguration officielle, puis le tour des stands syndicaux, donnaient déjà le ton : derrière les sourires, l’inquiétude pointait. Budget raboté de la future PAC (Politique agricole commune), accord Mercosur, terres de plus en plus chères, relève incertaine… L’orage n’est jamais bien loin du soleil.

En effet, quelques jours plus tôt, la Commission européenne dévoilait les premières lignes de ce que pourrait être la PAC 2028-2034. Le choc est rude : baisse budgétaire d’environ 20 %, dilution des fonds agricoles dans un mécanisme plus large, et plus de place laissée à la négociation par État membre. En clair : moins de solidarité, plus de concurrence entre États.

Pour la première fois dans l’histoire de la Foire, les six associations syndicales agricoles wallonnes se sont unies dans une action commune, juste après l’inauguration officielle. Elles y ont dénoncé le projet de réforme actuellement porté par la Commission européenne et les coupes budgétaires annoncées.

Un front européen à reconstruire

L’agriculture européenne est à la croisée des chemins. 50 % des agriculteurs ont plus de 55 ans, tandis qu’à peine 12 % ont moins de 40 ans. L’accès à la terre et au matériel devient hors de prix. La diminution du budget de la PAC est brutale. C’est un très mauvais signal pour notre autonomie stratégique, pour le renouvellement des générations ainsi que pour les défis climatiques à affronter chaque jour.

Là-dessus, la position de la Wallonie est claire : le budget de la PAC doit être renforcé et non affaibli. Un message porté de stand en stand, de conférence en conférence, par la Ministre wallonne de l’Agriculture, Anne-Catherine Dalcq : “Mon rôle aujourd’hui est de faire bloc avec vous. De porter, partout où cela est nécessaire, une position ferme, lucide, exigeante. Parce qu’une PAC forte, ce n’est pas un luxe. C’est une nécessité. Je me bats pour : le maintien des dispositifs qui fonctionnent, moins de charge administrative, le soutien aux jeunes, une ambition environnementale réaliste, ainsi qu’un soutien solide aux filières stratégiques.”

Et puisque le secteur a besoin de réformes et d’actions, plutôt que de longs discours, Anne-Catherine Dalcq a invité le commissaire européen à l’Agriculture Christophe Hansen à venir rencontrer les agriculteurs à la Foire de Libramont. Un geste fort. Un symbole. Relevé par le Commissaire lui-même.

Lors d’une réunion organisée au 5e étage du LEC, dominant la Foire, les syndicats ont échangé avec le Commissaire et la ministre Dalcq. Le commissaire luxembourgeois a tenté de rassurer : ce qui est évoqué aujourd’hui, comme la réduction de 20 % de la PAC,  n’est encore “qu’une première proposition sur le budget pluriannuel”. Il ajoute : “C’est un début de discussion, et on doit travailler ce paquet avec les ministres et les députés experts”. Selon lui, l’enveloppe de 300 milliards d’euros reste “sanctuarisée” pour ce qui arrive directement dans les fermes. Les aides du premier pilier et les mesures agroenvironnementales du second seraient ainsi préservées. « Ces montants ont des menottes », a-t-il insisté. Les moyens qui pourraient être redéployés concerneraient principalement les infrastructures rurales.

Le MR, une ligne claire et assumée

C’est dans ce contexte que le président du MR, Georges-Louis Bouchez, s’est rendu lundi à la Foire de Libramont. Il a échangé avec de nombreux interlocuteurs et parcouru les allées, dans un climat de dialogue franc. La présence du MR à Libramont était à la fois visible et cohérente avec sa ligne politique.

“Nos agriculteurs sont essentiels à notre vie. Ils méritent mieux que les erreurs commises dans l’industrie”, a déclaré Georges-Louis Bouchez. Le Mouvement Réformateur assume une position claire : défendre l’autonomie alimentaire, protéger le revenu des agriculteurs, accompagner une transition réaliste, financée et respectueuse du terrain.

“À Bruxelles comme à Libramont, nous disons la même chose. Ce n’est pas du populisme, c’est du respect”, a souligné le président, saluant au passage l’engagement et le travail de la Ministre Dalcq.

Entre deux rencontres avec des exposants ou des visiteurs, la ministre ne lâche rien. Présente dans toutes les allées, souriante mais déterminée, elle multiplie les échanges directs avec les agriculteurs. Pour certains, elle reste « une des leurs », celle qui, il y a encore deux ans, portait la voix des jeunes agriculteurs sur les tracteurs. Cette proximité nourrit une parole politique plus forte encore : “Aujourd’hui, je me bats avec une autre casquette, mais avec la même conviction.” Et le combat est clair : maintenir un budget PAC à la hauteur des défis, refuser sa renationalisation déguisée, défendre une agriculture familiale, durable, enracinée dans les territoires.

La relève agricole en péril

L’autre enjeu qui traverse la Foire, plus discret mais tout aussi essentiel, est celui de la transmission. En effet, en Wallonie, plus de la moitié des exploitants ont plus de 55 ans. D’ici 10 à 15 ans, 8.000 de la région fermes devront être reprises. Or, seules 20 % ont un repreneur identifié.

C’est un chiffre qui glace. Et un signal d’alarme que n’ignorent ni les syndicats, ni Anne Catherine Dalcq. La Ministre wallonne de l’Agriculture en est consciente : “La transmission ne se décrète pas. Elle s’accompagne, elle se prépare. Il faut lever les freins humains, sociaux, financiers. ”

Elle travaille à une réforme du bail à ferme, pour le rendre plus attractif et favoriser les cessions hors cadre familial. Elle n’exclut pas des incitants spécifiques à la transmission, mais refuse les fausses promesses.

Libramont 2025 aura surtout été un souffle. Celui d’un secteur qui veut croire en l’avenir. Celui d’une Ministre et d’un président de parti qui parlent vrai. Celui d’un projet agricole à défendre, ensemble.