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Je vous remercie Monsieur le Président pour cette belle initiative qui casse les codes. Offrir aux chefs d’Etat et de gouvernement de débattre directement avec les Députés européens élus au suffrage universel.

Provoquer la confrontation d’idées. Mettre en lumière les enjeux et les différentes visions pour les appréhender. Votre initiative est utile et nécessaire.

Mesdames et Messieurs les Députés,

60 ans après le Traité de Rome, l’Union européenne est à nouveau face à un moment charnière. Dans tous nos pays, nous ressentons avec des intensités variables, un changement de paradigme.

L’Europe qui rassure, était une évidence pour nos grands-parents. Après plusieurs siècles de conflits et de guerres, les dividendes de la paix et de la prospérité étaient une réalité concrète appréciée, par eux, à sa juste valeur.

Aujourd’hui, dans l’imaginaire collectif, l’Europe est associée à la mondialisation qui fait peur, à l’austérité, à l’opacité ou à la technocratie.

En quelques années, l’Europe qui rassure est devenue l’Europe des crises, l’Europe qui inquiète. Crise financière, crise économique, crise de la dette, crise de la migration, ou encore le Brexit… L’impression d’une Europe qui subit, qui aurait perdu le contrôle de son avenir et de son destin.

La plus-value de l’Union européenne est pourtant réelle, concrète et quotidienne. Mais est-elle assez visible ?

Nous faisons face à une crise fondamentale de confiance. Confiance dans les institutions publiques, y compris européennes.  Crise de confiance aussi envers les médias classiques. Avec l’illusion de la transparence des réseaux sociaux et de l’information directe, avec son lot de Fake news et de manipulations.

La confiance est pourtant la clef de la démocratie. La démocratie est un contrat entre les citoyens et leurs représentants. Le suffrage universel donne la légitimité pour décider et agir.

Les extrémistes de tous bords agitent les peurs. Ils disséminent le venin du simplisme et de la caricature pour monter les peuples les uns contre les autres. Pour encourager, le repli sur soi. Ou pour provoquer les reculades sur les valeurs fondamentales.

 

Mesdames et Messieurs,

Je suis un Européen engagé, mais pas un Européen naïf et béat.

L’Europe va mieux. Les crises sont gérées.

La croissance et les investissements reprennent. Nos frontières sont mieux contrôlées. La lutte contre le terrorisme progresse.

Et plus que jamais, nous devons revenir vers les fondamentaux originels de l’idée européenne. Conquérir la raison et le cœur de nos compatriotes européens. Convaincre avec un idéal et avec des résultats.

La paix et la sécurité, la prospérité et l’égalité, la liberté et la démocratie…

Ce ne sont pas des mots creux, c’est une ambition solide et tenace. C’est une promesse dont nous sommes les héritiers. C’est une promesse que nous devons honorer jour après jour.

Pour cette raison, l’heure des choix a sonné.  Trois questions simples sont posées, je souhaite y apporter des réponses engagées.

Que voulons-nous faire ensemble ?

Comment ? Avec qui ?

I Que voulons-nous faire ensemble ?

Je veux une Europe forte qui repose sur 27 Etat solides ! Pas une Europe qui s’occupe de tout, toujours et tout le temps.  Mais une Europe qui agit là où sa plus-value est réelle.

Plutôt qu’une vaine bataille de souveraineté, les Etats-membres contre l’Union européenne, je choisis un autre chemin, celui de la primauté politique et démocratique dans les Etats-membres et au sein de  l’Union européenne.

Nous devons casser cette spirale de la perception d’impuissance démocratique.

Nous devons démontrer par des résultats la valeur ajoutée complémentaire de l’action de l’Union européenne et de chacune de nos démocraties nationales.

Démocraties européenne, nationale, régionale et locale doivent se compléter et se renforcer mutuellement.

De la même manière, nous devons faire coïncider la Solidarité de tous avec la Responsabilité de chacun.

 

Mesdames et Messieurs,

J’identifie trois exigences pour donner un nouvel élan à notre Alliance. Exigence de prospérité, exigence de sécurité et exigence de valeur.

  1. Exigence de la prospérité : Stimuler la prospérité et investir dans le développement économique et social ;
  2. Exigence de la sécurité : Assurer la sécurité à l’intérieur de nos frontières et encourager la paix à l’extérieur ;
  3. Exigence des valeurs européennes : réaffirmer et consolider nos valeurs.

Exigence de prospérité

La prospérité doit être stimulée.

Nous devons achever l’Union bancaire et consolider l’Union économique et monétaire dans la zone euro. Nous devons réduire les risques et mieux les partager. L’un et l’autre ; l’un avec l’autre.

(Fiscalité)

La fiscalité est un instrument national. Mais la compétition fiscale parfois outrancière entre Etats-membres est un frein pour l’attractivité collective dans la zone euro. Comment puis-je expliquer à mon épicier qu’il paie un taux d’impôt plus élevé qu’un géant du net qui réalise lui des milliards de chiffres d’affaires sur le sol européen ?

Nous devons poursuivre la coopération en matière d’évasion fiscale et aller progressivement vers une harmonisation de l’assiette de l’impôt des sociétés.

La Belgique soutient les principes proposés par la Commission européenne sur les GAFA. Nous suivons aussi les travaux de l’OCDE à cet égard.

(Agenda digital )

L’agenda digital et l’intelligence artificielle sont des gisements d’opportunités pour notre continent. Tout est sur la table. Décidons au plus vite et ainsi  nous libérerons le potentiel d’emploi et de croissance.

(Climat-transition énergétique)

Le réchauffement climatique ne fait plus l’ombre d’un doute. Nous n’avons qu’une planète. Les accords de Paris doivent être mis en œuvre. Là aussi, la transition énergétique est une opportunité pour l’innovation et la transformation de notre modèle économique.

(Commerce)

Comme libéral, je soutiens naturellement le libre-échange. De tous temps, il a favorisé l’harmonie entre les peuples et a engendré des progrès économiques et sociaux.

Le libre-échange est vertueux, si les rapports entre les parties sont équitables. La réciprocité sur base de standards sociaux et environnementaux élevés doit être notre objectif.

C’est dans cet esprit que je me suis personnellement battu pour que mon pays signe le CETA. C’est dans le même esprit que je défends les préoccupations de nos agriculteurs en lien avec le Mercosur. Nos agriculteurs ne peuvent pas être une variable d’ajustement.

(Pacte investissements)

Des finances publiques assainies, des investissements supplémentaires, des emplois et du pouvoir d’achat. C’est l’équation vertueuse. L’initiative de Jean-Claude Juncker pour la relance des investissements était indispensable. J’ai également inscrit mon pays dans cette dynamique avec un pacte national pour les investissements stratégique (60 Milliards € à l’horizon 2030).

Développements économique et  social vont de pair. Le Socle européen des droits sociaux est une avancée. Nous saluons les efforts pour stimuler la convergence des normes sociales et renforcer la coopération entre Etats-membres (Autorité européenne pour l’Emploi).

Deuxième exigence la sécurité,

Assurer la sécurité, c’est garantir la liberté réelle de chaque citoyen.

Assurer la sécurité, c’est défendre nos valeurs de démocratie et d’Etat de droit.

Assurer la sécurité, c’est notre responsabilité commune.

Nous devons nous doter au plus vite d’une capacité de réponse autonome et crédible contre toute forme de menace.

Ensemble, nous avons déjà entrepris la sécurisation de nos frontières extérieures. Et nous devons aller plus loin.

Nos services de sécurité coopèrent mieux pour lutter contre le terrorisme. Mais ce n’est pas encore suffisant.

La Belgique veut être un partenaire loyal au sein de l’OTAN et au sein de l’Union européenne.

Nous voulons une réelle défense européenne au sein de l’OTAN (dans la lignée de la déclaration de Varsovie).

La PESCO et le Fonds européen de défense sont les bons instruments pour progresser.

Notre capacité opérationnelle doit être au service de nos valeurs et de nos intérêts géopolitiques.

La Belgique a foi dans le multilatéralisme, mais le multilatéralisme souffre. Les normes et les règles de bonne conduite internationale sont moins respectées. L’action collective décline.

Or plus que jamais nous devons réfléchir et agir globalement.

Nous devons développer un stratégie de voisinage.

Nous devons mieux prévenir les conflits régionaux et anticiper leurs potentielles  conséquences.

Sahel, Libye, Syrie… autant de conflits gravent qui impactent lourdement notre futur.  Nous devons développer une ambition géopolitique plus ferme pour promouvoir nos valeurs et défendre nos intérêts à court moyen et long terme.

J’ai une conviction.

Dans ce monde qui change, dans lequel personne ne peut unilatéralement imposer son point de vue, l’Union a une place à prendre.

Nous pouvons être le moteur d’un multilatéralisme renouvelé.

Nous sommes le moteur pour relever les grands défis de l’humanité : la paix et la sécurité, le développement, le réchauffement climatique,…

(Migration)

Mesdames et messieurs,

Les mouvements migratoires sont inhérents à l’histoire de l’humanité. Nous ne devons pas les redouter. Nous devons les appréhender.

La Belgique depuis longtemps met en œuvre une politique migratoire qui conjugue humanité et fermeté.

Nous combattons la migration illégale. Celle-ci  alimente des réseaux criminels et conduit à des drames humains indignes de notre siècle.

Mais ne doit-on pas aussi élaborer, un système de migration légale et organisée ? Nous n’éviterons pas tôt ou tard ce débat.

Et à court terme sur la réforme de Dublin, nous devons poursuivre les efforts pour conjuguer Responsabilité et Solidarité.

Mesdames et Messieurs,

La troisième exigence est celle des valeurs européennes

Depuis le premier jour, l’Union européenne repose sur des valeurs communes qui transcendent nos différences et nos identités.

Une Histoire faite de moments glorieux et de souffrances tragiques.

Un bouillonnement intellectuel, spirituel et philosophique.

Des savants, des penseurs, des hommes d’Etats, des révolutions aussi… Voltaire et Montesquieu, la pensée des Lumières… ce sont ces ingrédients qui ont engendré les libertés, la démocratie et l’Etat de droit.

La Convention européenne des Droits de l’Homme consacre la dignité de chaque individu. C’est une lumière que nous devons entretenir et amplifier.

Il y a plus de 70 ans  (en 1946), Churchill évoquant l’échec de la Société des Nations, (précurseur des Nations Unies) déclarait : Si la Société des Nations n’a pas connu le succès, ce n’est pas parce que ses principes faisaient défaut, mais bien du fait que les États qui l’avaient fondée, ont renoncé à ces principes. »

Nous tenons à la démocratie et à l’Etat de droit comme à la prunelle de nos yeux. Pour cette raison, la Belgique propose la mise en place d’un mécanisme de revue des pairs sur l’Etat de droit.

Concrètement, les 27 pays se soumettraient à un examen des autres Etats membres sur une base régulière. Cette revue permettra de développer de manière collégiale, les bonnes pratiques et de corriger les carences.  Ce serait un moyen,  pour chaque Etat-membre de se regarder en face.

 

Mesdames et messieurs,

Nous rejetons toutes les formes d’obscurantisme. Nous voulons une société ouverte basée sur la connaissance.

C’est pour cette raison que nous encourageons une culture européenne respectueuse de nos différentes identités et de notre diversité.

Nous devons amplifier les échanges et aller au-delà de la coopération universitaire. Erasmus doit être démultiplié et élargi par exemple aux artistes ou à l’apprentissage des métiers.

(Budget européen)

La négociation des prochaines perspectives financières sera l’occasion de faire   des choix et de définir nos priorités. Nous devons consolider et moderniser les politiques communes, la cohésion et le soutien à la Politique agricole. Nous devrons aussi développer de nouvelles politiques : la sécurité, l’innovation ou l’économie numérique par exemple.

Nous devrons surtout dépenser mieux.

Il faudra appliquer au budget européen la même rigueur minutieuse comme celle appliquée par la Commission quand elle scrute nos budgets nationaux.

La Belgique n’acceptera pas un volume d’effort supplémentaire qui mettrait en péril nos mesures de relance économique.

Cette proposition est un point de départ utile. Nous allons analyser les propositions en détails. Nulle doute que les négociations seront âpres et intenses.

J’en viens à la deuxième question. Toute entreprise pour être couronnée de succès nécessite une méthode adéquate.

II Comment et avec qui ?

La révision des Traités n’est pas nécessaire à court ou moyen terme. Ce serait même contre-productif.

Nous devons concentrer toute  notre énergie pour remplir les exigences que je viens de mentionner.

Les Traités offrent suffisamment de flexibilité pour rendre notre action plus efficace.

Dans chacun de nos Etats, nous sommes confrontés à des réalités économiques, sociales et politiques, parfois fort différentes.

L’approfondissement de la zone euro ou la question des migrations ont révélé parfois brutalement cette réalité.

Je crois aux vertus du parler vrai et de la négociation. Nous devons éviter les non-dits ou les tabous. Une meilleure compréhension entre nous est indispensable pour forger les décisions avec une assise large.

Nous devons avancer à 27. Notre unité est notre force. Mais pas l’unité au prix de l’immobilisme. Parce que l’immobilisme, c’est la garantie de reculer.

J’ai été parmi les premiers à plaider pour une Europe à plusieurs vitesses. Il ne s’agit pas de diviser, mais au contraire de mettre un turbo dans nos décisions.

Les avancées majeures ont souvent été le fruit d’une avant-garde: la zone euro, l’espace, Schengen… L’Europe à plusieurs vitesses, ce n’est pas l’Europe à la carte.

Quand on est membre du club, on en tire les bénéfices, mais on en assume aussi les responsabilités et les contraintes.

Permettons à ceux qui le souhaitent de décider et d’avancer !

Sans forcer ceux  qui ne le veulent pas ou qui ont besoin de plus de temps,.

Et je regrette l’hypocrisie de ceux qui transforment systématiquement l’Europe en bouc-émissaire sans avoir le courage de mettre en lumière ses résultats.

Nous devons aussi mobiliser nos concitoyens. Eviter les débats en vase clos.

Nous devons être ouverts sur la vie réelle. Les jeunes générations doivent être au cœur de nos préoccupations. Les jeunes sont notre espérance et notre force. Leur vitalité, leur impertinence et leur créativité doit être encouragée.

J’espère qu’ils prendront toute leur place dans l’initiative sur les conventions citoyennes.

 

Mesdames et messieurs,

En conclusion, l’Union européenne représente un projet unique dans l’histoire de l’humanité.

C’est une œuvre imparfaite sans cesse inachevée. C’est surtout une promesse pour un monde meilleur.

Un monde meilleur qui repose sur des exigences. L’exigence de la prospérité, de la sécurité et des valeurs fondamentales.

Mettre nos finances publiques en ordre, engager les réformes économiques et sociales, prendre des mesures pour la sécurité et promouvoir la paix sont  une bataille de chaque instant au service de l’idéal européen, au service des citoyens européens.

Nous devons promouvoir la culture du résultat, faire reculer la technocratie.

Nous devons surtout libérer le potentiel exceptionnel de notre continent.

L’innovation de nos chercheurs, la créativité de nos entrepreneurs, le dynamisme de nos start up, ou encore l’enthousiasme de nos universités…, voilà des armes redoutables au service d’un projet optimiste et tourné vers l’avenir.

 

Mesdames et messieurs,

Il y a 60 ans, des hommes d’Etat visionnaires (les pères fondateurs, Jean Monnet, Robert Schuman…) ont choisi de poser les pierres fondatrices d’un projet de réconciliation, de paix et de prospérité.

Il leur a fallu du courage, de l’optimisme et de la confiance.

Plus tard, sur les ruines du Mur de Berlin, la génération emmenée par Helmut Kohl, François Mitterrand et Jacques Delors a décidé de sceller une alliance solide. Ils ont jeté les bases de la zone euro, ils ont ouvert l’espace Schengen avec des avancées tangibles pour nos concitoyens.

Il leur a fallu du courage, de l’optimisme et de la confiance.

Notre génération politique et citoyenne tient aujourd’hui dans ses mains l’avenir du rêve européen.

Après les Pères fondateurs, après la génération des bâtisseurs, il nous appartient d’être les entrepreneurs de notre destin commun.

Il nous appartient de donner un nouvel élan, une impulsion.

A nous, maintenant de mettre en œuvre cette promesse.

Cet idéal qui repose sur des valeurs intangibles que nous chérissons : la dignité de chaque être humain, sa liberté et sa responsabilité.

A nous, maintenant de faire preuve de courage, d’optimisme et de confiance.

Je vous remercie.